top of page

Questions d'éthique et de déontologie

Dans le cadre de ce cours, Madame Naftali nous a demandé d'analyser une situation déontologique rencontrée durant un de nos stages. J'ai donc décidé de choisir une situation vécue durant mon stage de deuxième année assistante sociale. 

Présentation du cadre de stage

4motion est une ASBL qui a pour objectif de créer des outils pédagogiques, des formations et des activités qui ont pour but de lutter contre les préjugés et les stéréotypes mais aussi contre toutes les formes de discriminations. L’ASBL fait en sorte de libérer le potentiel unique de chacun en invitant les personnes à s’engager en tant que citoyen et ainsi favoriser le bien-être collectif mais aussi, et surtout, le bien-être individuel.
4motion a une vision très claire de ses objectifs : œuvrer à ce que les gens apprennent ensemble à mieux vivre en valorisant l’authenticité, la curiosité, l’empathie, le non-jugement et la créativité. Elle vise donc à former tous les intervenants sociaux, les professeurs, les assistants sociaux, les travailleurs administratifs, les éducateurs qui veulent prendre part au changement social en développant et renforçant leurs prises de conscience et leurs actions.
4motion ne dépend d’aucune autre structure, elle est donc indépendante et ne possède pas de code de déontologie. L’ASBL fait du travail social communautaire et s’intéresse donc aux personnes faisant parties d’une société où des changements doivent être opérés et ne fait donc pas de travail individuel, bien que certains projets nécessitent de rencontrer des personnes en individuel afin de récolter des informations pour la recherche-action, étape indispensable de tout projet.

 

Présentation de la situation, analyse et questionnement

La situation se déroule dans un lycée au Grand-Duché de Luxembourg. Avec une de mes collègues, nous avions rendez-vous avec une demi-classe de 9ième (qui équivaut à la 3ième secondaire en Belgique) avec des élèves de 14 à 16 ans. Ce rendez-vous est organisé dans le but de récolter le plus d’informations possibles pour un projet qui s’intitule « Potential4Life ». Il s’agit de la première classe que 4motion rencontre dans le but de ce projet.

Le projet « potential4life » va tenter de comprendre pourquoi, à un moment de leur scolarité, certains élèves ont une perte totale de motivation et sont donc, pour un grand pourcentage d’entre eux, sujets au décrochage scolaire.

Suite à cette recherche-action qui va rassembler les témoignages d’élèves, de parents d’élèves, de professeurs et de travailleurs sociaux en contact avec la jeunesse, 4motion aura pour but d’étudier tous ces témoignages, de dégager les grandes tendances et ainsi de proposer au Ministère public de mettre en place des activités dans les lycées afin de limiter, à l’avenir, le décrochage scolaire, qui est un problème fort présent au Luxembourg.

 

Afin de ne pas s’écarter de l’objectif premier de ce genre d’entretien et de rester bien concentré sur les éléments à aborder, 4motion a rédigé des questionnaires (différents selon les acteurs interrogés) pour s’assurer que toutes les facettes de la scolarité des jeunes seront abordées (ambiance à l’école, motivations, perspectives d’avenir, personnes de confiance au sein de l’école, …). Ce genre d’entretien débute avec la mise en place de quelques règles à respecter telles que : l’écoute des autres élèves, le respect, la promesse de confidentialité entre les élèves eux-mêmes et entre le modérateur et les élèves, etc. L’entretien est également enregistré à l’aide d’un magnétophone. Une fois que ce lien de confiance est installé, les élèves peuvent évidemment amener des sujets sensibles sur la table étant donné qu’on leur demande de parler d’une part, des choses où ils se sentent bien dans l’école, et d’autre part, des choses pour lesquelles ils éprouvent un sentiment de mal-être. C’était le cas d’un des élèves avec qui ma collègue et moi-même avons pu parler durant cet entretien.

 

En effet, après avoir demandé aux enfants s’ils avaient déjà subis des événements aussi bien plaisants que déplaisants au lycée, un d’entre eux nous a confié qu’il avait déjà été victime de mobbing et de harcèlement physique et que ça lui arrivait encore de subir ce genre d’événements.

 

Il nous a également dit qu’il n’osait pas en parler aux assistantes sociales du SPOS (l’équivalent du PMS en Belgique) par peur que ça arrive aux oreilles des jeunes qui l’ennuyaient fréquemment avant, et encore maintenant, mais de façon plus rare. A cause de ce mal-être constant, le jeune garçon n’a pas de très bonnes notes à l’école et n’aime plus du tout y venir par crainte de vivre les mêmes injures et intimidations qu’il a connu dans le passé.

 

Ici, le but de l’entretien n’était pas de résoudre le problème des jeunes mais de comprendre pourquoi ceux-ci étaient de plus en plus sujets au décrochage scolaire, pour ainsi, à la fin du projet « Potential4Life », pouvoir mettre en place des activités qui pourront considérablement réduire ce genre de problèmes fort présent dans les lycées luxembourgeois.

Etant donné qu’il s’agissait d’un entretien en groupe et que la finalité n’était pas de trouver des solutions aux problèmes que les jeunes allaient exposer, ma collègue et moi-même n’avons pas pu approfondir le mal-être du jeune en lui posant des questions et des pistes de réflexion.

 

Mais, tout de même, la situation posait question. En effet, le jeune montrait vraiment des signes de désespoir quant à l’école mais il ne savait pas comment s’y prendre et montrait une crainte quant au fait de résoudre les problèmes. De plus, il s’est vu rassuré lorsqu’il a demandé si l’enregistrement allait être écouté par les professeurs et autres intervenants sociaux de l’école et que ma collègue lui a répondu que cet enregistrement restait entre nous et que seuls les professionnels de 4motion y aurait accès.

Cette situation m’a amené à me poser plusieurs questions :

  • Devrais-je en parler à l’assistante sociale du SPOS ?

  • Qu’est-ce que les harcèlements physique et moral répétés à l’encontre du jeune garçon provoquent réellement chez lui ?

  • Est-ce que le jeune garçon dit la vérité ? Et s’il mentait, dans quel but le ferait-il ?

  • Quel est mon rôle à moi, en tant que modératrice de ce groupe de jeunes ?

  • Qu’est-ce qu’il m’est réellement demandé de faire dans ce cadre ?

  • Dois-je enfreindre les règles dictées au début de l’entretien afin de protéger l’enfant ?

  • Et si le fait de révéler la situation ne faisait qu’aggraver le bien-être de l’enfant ?

  • Si la situation venait à s’aggraver, que l’école finissait par apprendre les harcèlements subis par l’enfant et que ce dernier avouait qu’il en a seulement parlé à ma collègue et moi-même, quelles pourraient être les répercussions ?

  • Pourrions-nous donner comme seule excuse la mise en place d’un règlement au début de la séance et que nous ne voulions pas enfreindre ces règles de confiance ?

  • Comment faut-il aborder le sujet avec les autres enfants du groupe, qui eux non plus n’étaient pas au courant de la situation ? Faut-il vraiment aborder le sujet avec les autres enfants ?

  •  De manière plus générale, en connaissant bien le travail qu’il m’était demandé d’accomplir à cet entretien et les finalités du projet, aurais-je pu intervenir pour le bien-être de l’enfant ?

  • Si cette intervention supplémentaire m’avait permis de mieux comprendre le décrochage scolaire, est-ce que cela aurait été considéré comme « extérieur » au travail demandé ?

 

Pourquoi cette situation relève d’une préoccupation déontologique ?

J’ai choisi cette situation car on peut se poser la question de dévoiler ou non le problème mis en avant par le garçon, et donc de ne plus se soumettre au secret professionnel. En effet, je me suis questionnée de savoir si ce dernier ne devrait pas être levé dans ce genre de situation car elle met en danger la sécurité, le bien-être et l’équilibre de l’enfant.
Même si le jeune garçon éprouve une crainte d’en parler à l’assistante sociale du SPOS, n’est-il pas de mon devoir d’éclaircir cette situation, et ainsi de permettre à l’enfant et aux acteurs sociaux de l’école de se remettre en question ? Ne puis-je pas être acteur de changement également en dévoilant ce secret ? Est-ce que je dois mettre de côté la tâche qui m’est initialement demandée, c’est-à-dire faire un entretien avec des jeunes dans le but d’une recherche-action, et dévoiler les confessions du jeune garçon pour espérer améliorer son confort de vie à l’école ?

 

Néanmoins, un élément sur lequel je me suis beaucoup questionnée au niveau du secret professionnel est le suivant : ce genre de situation m’a fait penser à un point important quant à l’organisation de ces entretiens de groupes avec les jeunes.

 

En effet, ayant pu voir le malaise que ça a créé dans le groupe quand l’enfant nous a avoué qu’il était victime de harcèlements moral et physique, je me demande s’il ne serait pas préférable de faire ces entretiens en individuel afin de garantir le secret professionnel. Le jeune garçon nous a dit qu’il ne voulait vraiment pas que l’assistante sociale du SPOS ou les autres enfants le sachent. Hors, les autres jeunes qui étaient présents avec lui à l’entretien peuvent très bien aller dévoiler ce problème à leurs amis, ce qui pourrait provoquer un effet boule-de-neige dans le lycée et donc empirer la situation. Les autres enfants ne sont, eux, absolument pas soumis à un quelconque secret. Ils ont effectivement eu des règles à suivre en début d’entretien, et notamment assurer que les éléments qui seront débattus durant la séance restent entre les participants, mais ils ne sont pas soumis à cette directive. Il s’agit, en quelque sorte, de règles fictives, afin que les enfants se sentent en confiance lors de l’entretien de groupe et qu’ils n’aient pas peur de parler. En effet, s’ils décidaient de répandre les confessions du jeune garçon dans le lycée, cela n’aurait aucune répercussion pour eux. Je me demande donc si, involontairement, la situation de l’enfant n’est pas pire désormais. Il ne s’agit pas ici d’un problème de non-respect de secret professionnel de la part de ma collègue et moi-même, mais plutôt d’un problème d’organisation qui a mené, ou aurait pu mener, à la divulgation d’une situation qui aurait dû rester secrète mais qui a pu être indirectement dévoilée.

bottom of page